La dernière mau­vaise blague anti-avorte­ment de Turquie. Tu con­nais Fethiye ? Imag­ine la côte d’Azur en plus par­a­disi­aque et à peine plus préservée au niveau touris­tique. Dans cette com­mune du Muğla, située à 30 bornes de l’Egée, Ayşe Kocaoğlu, 24 jolis print­emps, s’est fait tir­er dessus au fusil à pompe par son com­pagnon. Enceinte de 2 mois la jeune femme a été bien évidem­ment été hos­pi­tal­isée. C’est là que tout se complique…

Ayşe Kocaoğlu étant déjà maman de 2 enfants d’un pre­mier mariage, avait com­mencé à vivre avec Gökhan, son con­nard de com­pagnon, il y a env­i­ron 5 mois. En rece­vant à leur foy­er des doc­u­ments offi­ciels du tri­bunal, la jeune femme a pris con­nais­sance des prob­lèmes de son com­pagne avec la jus­tice, lié à la vente d’armes, de drogues, ce qui pour les lib­er­taires que nous sommes n’au­rait pas vrai­ment d’im­por­tance, si à cette liste ne se rajoutait l’homi­cide. Elle a décidé alors en son âme et con­science de se sépar­er de cet indi­vidu vio­lent et s’est réfugiée chez des amis. Ne l’en­ten­dant pas de la même oreille, ne sup­por­t­ant pas le départ de sa com­pagne, ce dernier l’a retrou­vée et ramenée fis­sa à la bar­raque (ce qui déjà en soit s’ap­pelle un kid­nap­ping). Ayşe a alors entre­prise en vain plusieurs ten­ta­tives de pour par­ler de sépa­ra­tion avec son com­pagnon de qui elle subis­sait une vio­lence con­tin­uelle, apprenant qu’elle était tombée enceinte.

Elle a alors de nou­veau quit­té la mai­son et retournée chez sa mère. Quand elle a fait savoir à Göhkan, qu’elle ne souhaitait pas garder l’en­fant, l’homme l’a men­acé de mort. Le 9 févri­er, Gökhan s’est ren­du armé au domi­cile de la mère de la jeune femme, dans le quarti­er de Karaçul­ha à Fethiye. Une dis­pute éclate, suite à laque­lle prenant sa com­pagne pour une assi­ette en faïence dans un champs de tir, ouvre le feu dessus au fusil à pompe, blessant Ayşe et tuant sa mère, Şule Cım­bılaz (40 ans).

Et c’est là, que l’équipe médi­cale de l’hôpi­tal de Recherche et d’E­d­u­ca­tion de Tepecik à Izmir, qui a prise la jeune femme en charge, a décidé de ne pas soign­er la jeune femme pour ne pas ris­quer la vie de l’en­fant qu’elle por­tait, au risque de lui causer la perte de son bras. La jeune femme avait pour­tant expressé­ment déclarée souhaiter sauver son bras et avorter, mais les respon­s­ables n’ont trou­vé meilleure solu­tion que de deman­der l’au­tori­sa­tion au “futur père”. C’est à dire, non à la vic­time mais au bour­reau, la per­son­ne même qui a fait feu sur la jeune femme, et tué sa mère. Refu­sant l’in­ter­rup­tion de grossesse demandée par Ayşe, non con­tent d’être un assas­sin mul­ti­ré­cidi­viste, il décidait à la place de sa com­pagne com­ment elle devait dis­pos­er de son corps. Autrement dit : “C’est moi qui décide, tu feras ce que moi je veux : perds ton bras et ta mère mais donne nais­sance à un enfant que tu ne désires pas garder.”. 

Heureuse­ment, Ayşe a été soutenue par un groupe de femmes et d’av­o­cats qui se sont rassem­blés à l’hôpi­tal. Le groupe a fait pres­sion sur l’équipe médi­cale et refusé de quit­ter les lieux tant que la déci­sion n’é­tait pas revue. Les respon­s­ables médi­cales se sont réu­nis à 14h et finale­ment la déci­sion a été prise pour com­mencer un traite­ment, afin de soign­er le bras d’Ayşe. Le min­istère de San­té a fait une déc­la­ra­tion à ce sujet, en pré­cisant que l’IVG était autorisé pour Ayşe Kocaoğlu. Aujour­d’hui (jeu­di 25 févri­er ) une inter­rup­tion de grossesse devra donc nor­male­ment être réal­isée dans la journée.

Mais écou­tons plutôt Ayşe qui s’est exprimée courageuse­ment à la presse afin de s’adress­er à nous de tout son coeur :

Il faut que l’E­tat fasse quelque chose. Les femmes sont-elles oblig­ées de mourir, doivent-elles devenir des hand­i­capées comme moi ? Les jeunes filles ne pour­ront-elles plus sor­tir de leur mai­son ? Je demande de l’aide à l’E­tat. Il faut que la vio­lence des hommes cesse. Il ne faut plus que les femmes souf­frent. Il faut que quelqu’un dise aux hommes d’ar­rêter. On te bat, il les met­tent en garde à vue une journée et ils les sor­tent.  Ils dis­ent, “J’ai eu 3 mille livres d’a­mande, je lui paierai et je la bat­trai encore ma femme”. Com­ment est-ce possible ?”

Depuis quelque temps, bien que l’IVG soit tou­jours légale en Turquie, pour des femmes majeures et jusqu’à la 10ème semaine de la grossesse, tout comme en France qui a subit rap­pelons le, la diminu­tion de moitié de son bud­get alloué au plan­ning famil­ial sous Sarkozy et que les social­istes n’ont pas rétabli, les inter­ven­tions devi­en­nent dif­fi­ciles à obtenir car l’idéolo­gie patri­ar­cale de l’AKP qui réduit le rôle des femmes en mère pro­duc­tri­ces, et qui encour­age les cou­ples à faire min­i­mum 3 enfants, fait en sorte que les avorte­ments soient con­sid­érés “inter­dits” dans plu­part des hôpitaux.


 Dossier complet sur l'IVG en Turquie :
L'IVG, l'éternel combat des femmes

 

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Ajout : “Un mon­u­ment aux mortes” est mis en place pour les femmes vic­times de vio­lences en Turquie… comp­tage en temps réel.
La mère d’Ayse y est.… et d’autres ont per­du la vie après… 46 pour le début de l’an­née 2015.

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Naz Oke
REDACTION | Journaliste 
Chat de gout­tière sans fron­tières. Jour­nal­isme à l’U­ni­ver­sité de Mar­mara. Archi­tec­ture à l’U­ni­ver­sité de Mimar Sinan, Istanbul.