Les élèves de l’école pri­maire Ticaret Odası à Ümraniye, quarti­er pop­u­laire de la rive asi­a­tique d’Is­tan­bul, entrent en cours et sor­tent en recréa­tion un peu dif­férem­ment depuis quelques jours. La son­ner­ie habituelle a en effet été rem­placé par une prière : « Salavat »

La prière « Salavat » est une louange islamique, une béné­dic­tion que les musul­mans pieux ont pris l’habi­tude de plac­er après le nom d’Al­lah, de ses prophètes, en par­ti­c­uli­er Mahomet, et de divers autres per­son­nages, chaque fois qu’ils pronon­cent ou écrivent leur nom.

Les enseignants et par­ents ont vive­ment con­testé cette « nou­veauté ». Les édu­ca­teurs expri­ment qu’en aucun cas la son­ner­ie ne doit être des paroles.

La direc­tion de l’école pré­tend que ce change­ment a été effec­tué dans le cadre de la célébra­tion de la « Semaine de la Sainte Nais­sance » (la nais­sance du Prophète Mahomet, équiv­a­lent de noël). Ce genre d’initiatives ne fig­ure nulle­ment dans la cir­cu­laire pub­liée par le Min­istère de l’Education Nationale con­cer­nant cette semaine.

Admirez l’am­biance dans cour de l’école…

La « Semaine de la Sainte Nais­sance » est une semaine d’activités qui a été lancée par une com­mu­nauté islamiste (Nur Cemaati, autrement dit la con­frérie de la secte de Fetul­lah Gülen qui a des écoles en France, nous vous le dis­ons au pas­sage, his­toire que vous n’al­liez pas penser que ce genre de “drô­leries” s’ar­rête au Bospho­re) et qui a été offi­cial­isée en 1989 par le « Diyanet », l’organisation offi­cielle qui s’occupe de tout ce qui est lié à la reli­gion en Turquie. Avec l’appui de la com­mu­nauté de Gülen, cette semaine thé­ma­tique s’est général­isée et a pris de plus en plus d’importance ces dernières années, surtout depuis que l’AKP est au pou­voir. Dans le Coran, Lay­lat al-Qadr, la nuit où le Coran aurait été révélé à Mohammed, appa­rait comme seule nuit « sainte ». Sous l’Empire Ottoman d’autres nuits ont com­mencées à être célébrées à l’initiative de cer­tains Sul­tans Ottomans. Comme dans l’exemple de « Mevlit Kandili » qui cor­re­spondrait à la nais­sance de Mahomet, lancé par Selim II, et qui depuis, est devenu tra­di­tion­nel, ce sont des « bid’at », lit­térale­ment des « nouveautés ».

Bien qu’il n’y ai encore aucune preuve, la date de nais­sance de Mahomet est con­sid­érée cor­re­spon­dre au 20 avril. L’islam se base sur le cal­en­dri­er hégirien qui est env­i­ron 11 jours plus court que le cal­en­dri­er gré­gorien que nous util­isons, ce qui crée donc des décalages pour des dates impor­tantes, comme le Ramadan qui ne tombe pas tou­jours aux mêmes moment tous les ans sur nos agendas.

Le fait de fix­er l’anniversaire de Mahomet au 20 avril, une date du cal­en­dri­er gré­gorien, ne parait pas logique à cer­tains musul­mans qui expri­ment leur mécon­tente­ment. La fameuse « Semaine sainte de nais­sance » est donc égale­ment fixée entre le 14 et 20 avril. Les pieux mécon­tents affir­ment qu’il s’agit d’un « bid’at » et que ce genre de « nou­veautés » seraient des dévi­a­tions de la reli­gion. D’autres nation­al­istes, voient logo-semaine-sainte-naissanced’un mau­vais oeil ce choix de date « trop proche » du 23 avril, « la Fête de l’Hégé­monie Nationale et des enfants »,
lancé par Atatürk, l’in­stau­ra­teur de la république laïque et nation­al­iste, après l’ouverture de l’Assemblée Nationale en 1935, à la même date. « La Sainte Semaine de Nais­sance» donne aus­si à grig­not­er aux com­plo­tistes qui eux, pré­ten­dent que le nom de la semaine seraient traduit de « Hol­ly Birth Week » de l’anglais, trou­vent que son logo rassem­ble beau­coup trop à celui de la Banque Mon­di­ale, et pensent que la fleur de lys qui fig­ure sur le logo sym­bol­is­erait le christianisme…

Dans tout ce bazar, les gamins, se colti­nent le « Salavat » dans leur école et la théol­o­gi­sa­tion de l’E­d­u­ca­tion Nationale dont Kedis­tan vous par­le régulière­ment pour­suit son chemin con­for­mé­ment à l’idéolo­gie inté­griste de l’AKP et d’Er­do­gan qui veu­lent faire du pays, ‑avec leur pro­pre ter­mes- une « Nou­velle Turquie » ! (Songez, une Turquie Ottomane).

Mehmet Aydoğ­du, secré­taire juridique du Syn­di­cat de l’é­d­u­ca­tion Eğitim Sen à Istan­bul, con­firme que ce genre d’applications ne fig­urent pas dans le pro­gramme d’activité de cette semaine.

Cette école n’est pas l’école d’une quel­conque com­mu­nauté religieuse, c’est l’école de l’Etat. Le Directeur de l’école bafouille ouverte­ment la règle de la laïc­ité dans l’éducation. C’est une oppres­sion idéologique faite aux enfants de de 6 à 9 ans. C’est une impo­si­tion. que doivent faire les enfants qui ne sont pas d’aubédience sun­nite ? Nous somme face à un cas de fait accom­pli, sans aucune autori­sa­tion, con­sul­ta­tion des par­ents et enseignants. Nous allons nous entretenir avec le respon­s­able de l’Education Nationale de notre ville. Nous nous bat­tons pour que nos élèves reçoivent une édu­ca­tion laïque, sci­en­tifique et démoc­ra­tique. Nous n’allons pas laiss­er faire l’intégrisation de l’éducation avec des moyens d’une autre ère.

Bref, en Turquie comme en France, les cloches son­nent pour nous rap­pel­er comme le fai­sait Bak­ounin dans Dieu et l’Etat :

La reli­gion est une folie col­lec­tive, d’au­tant plus puis­sante qu’elle est une folie tra­di­tion­nelle et que son orig­ine se perd dans l’an­tiq­ui­té la plus reculée. Comme folie col­lec­tive, elle a pénétré dans tous les détails tant publics que privés de l’ex­is­tence sociale d’un peu­ple, elle s’est incar­née dans la société, elle en est dev­enue pour ain­si dire l’âme et la pen­sée col­lec­tive. Tout homme en est envelop­pé depuis sa nais­sance, il la suce avec le lait de sa mère, l’ab­sorbe avec tout ce qu’il entend, tout ce qu’il voit. Il en a été si bien nour­ri, empoi­son­né, pénétré dans tout son être que plus tard, quelque puis­sant que soit son esprit naturel, il a besoin de faire des efforts inouïs pour s’en délivr­er, et encore n’y parvient-il jamais d’une manière complète.

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