Bien sûr que vous vous sou­venez d’elle !

La ‘femme à la robe rouge’ est passée au rang de véri­ta­ble pas­sion­ar­ia dans la mémoire col­lec­tive en Turquie.

Cette académi­ci­enne, mil­i­tante de la pre­mière heure, était dans le parc de Gezi lorsque les flics ont chargé, un beau matin de juin 2013. Comme beau­coup d’autres femmes et hommes présents ce jour là, elle fit rem­part de son corps devant les arbres, afin d’empêcher les pel­leteuses de Tayyip de faire leur sale boulot.

Fatih Zen­gin, c’est ce polici­er enragé que l’on voit don­ner l’as­saut de façon démente à ce moment là, courant der­rière les mil­i­tants pour les gaz­er et les frap­per de toutes ses forces.

La presse était là, et l’in­croy­able scène fut filmée et pho­tographiée sous tous les angles. Et très vite, les images firent le tour du monde…

La réponse des flics sur les mil­i­tants paci­fistes de Gezi fut telle­ment dis­pro­por­tion­née, que ce fut la goutte d’eau d’une poli­tique d’austérité qui fit débor­der le vase. Le soir même Istan­bul se révoltait et descendait dans les rues, et ce fut l’ét­in­celle qui embrasa la Turquie du Nord au Sud et d’Est en Ouest.

osman-orsal-e1433954764469Cet instant d’une rare vio­lence de ce flic gazant cette mil­i­tante paci­fiste et ses com­pagnons de lutte, qu’elle devint très vite “La femme en robe rouge”, icône mod­erne de la lutte con­tre la répres­sion poli­cière et le Pou­voir à Gezi, non seule­ment en Turquie mais un sym­bole uni­versel et intemporel.

L’ironie de la résis­tance, le pho­tographe Osman Orsal qui avait fait le fameux cliché, avait lui-même été blessé par la police le lende­main rece­vant une bombe de gaz lacry­mogène en pleine tête.

Depuis tou­jours présents sur tous les fronts, les résis­tants se bat­tent aus­si bien dans la rue que par voies admin­is­tra­tives et judi­ci­aires. Ain­si, comble du din­don de la farce, une plainte a donc été déposée et en décem­bre 2014 con­tre Fatih Zen­gin, qui s’est retrou­vé fis­sa devant le juge. Accusé d’abus de fonc­tion [ce qui peut cor­re­spon­dre en France à vio­lences par per­son­ne déposi­taire de l’or­dre pub­lic”], une peine de prison d’un an et demi jusqu’à 3 ans fut req­uise à son encontre.

Lors de cette pre­mière audi­ence, le polici­er s’é­tait défendu : “Nous avions des ordres insis­tant pour utilis­er du gaz lacry­mogène. J’é­tais pris dans la panique. J’ai aspergé du gaz.”. Quant à Cey­da, elle expri­mait l’avis de tous les résis­tants : “S’il avait eu une arme dans sa main, cet homme aurait pu me tuer, comme le polici­er qui a tué Ethem Sarısülük”.

Fatih Zen­gin avait expliqué les con­di­tions dif­fi­ciles et la pres­sion dans lesquelles les forces de sécu­rité inter­ve­naient. En pré­cisant : “Dans le parc nous avions en face de nous un groupe illé­gal”, et avait ajouté, ne craig­nant rien, pas même le ridicule, vu que les nom­breuses images pris­es ce jour là démon­trent le con­traire : “Ils résis­taient pour nous empêch­er de faire notre tra­vail et ils avaient com­mencé à nous atta­quer ver­bale­ment et physique­ment.”.

Le polici­er se plaig­nant du fait que son masque à gaz lui ser­rait trop, l’empêchant de respir­er con­ven­able­ment, et d’avoir souf­fert des gaz suite aux fuites, il avait exposé ses con­di­tions de san­té à l’époque. “J’ai été opéré trois fois de mon épaule droite, et mal­gré le rap­port de mon médecin qui m’indi­quait une qua­trième opéra­tion, j’avais été obligé de tra­vailler dans la souf­france pour combler le manque de per­son­nel et la charge de tra­vail à cette période.”

Le polici­er Fatih avait bien insisté que le jour de l’in­ci­dent, autour de 13h, le groupe de résis­tants bien que som­més de se dis­pers­er, résis­tait; que ses supérieurs hiérar­chiques avaient ordon­né “d’a­vancer et d’u­tilis­er les gaz”; et avait donc essayé d’a­vancer en util­isant le gaz de façon “pro­por­tion­nelle”. “Quand j’ai avancé, cer­tains résis­tants sont tombés par terre dont cette dame. Elle s’est relevée subite­ment et j’ai con­tin­ué d’asperg­er. Il m’é­tait impos­si­ble de cal­culer la dis­tance qui nous séparait”. Fatih avait racon­té qu’un des résis­tants lui avait don­né un coup de pied, dans l’ac­tion, et qu’il avait répon­du égale­ment par un coup de pied “reflexe”. “Comme j’ai déjà exprimé dans l’é­tat de san­té où j’é­tais, et dans la panique, mal­gré le fait que j’ai essayé d’in­ter­venir de façon cor­recte,  j’ai pu avoir des gestes involontaires.”

Notre supérieur Mesut Karabıyık nous avait autorisé d’u­tilis­er les lacry­mogènes, mais nous ne l’avions pas fait. Nous l’avons fait sur l’or­dre don­né par Ramazan Emek­li, Sous Directeur de la Sécu­rité d’Is­tan­bul.” Suite à cette déc­la­ra­tion de Fatih, cette pre­mière audi­ence s’é­tait ter­minée afin de pren­dre les témoignages des respon­s­ables hiérar­chiques au 10 mars 2015.

Lors de la sec­onde audi­ence, comme atten­du, la respon­s­abil­ité des ordres don­nés con­cer­nant les répres­sions vio­lentes devint une balle de ping pong que chaque respon­s­able se ren­voy­ait à son supérieur hiérarchique.

Mesut Karabıyık, le supérieur du polici­er Fatih, avait déclaré qu’il n’avait pas don­né d’or­dre pour l’usil­i­sa­tion de gaz, et qu’il navait pas vu Fatih en faire usage.

Zeki Bayrak, le respon­s­able de l’équipe d’in­ter­ven­tion avait apporté son témoignage à son tour : “Celui qui tient un talkie walkie der­rière Fatih [sur les images] c’est moi. Je n’ai pas don­né d’or­dre à Fatih. Par con­tre j’ai bien enten­du l’or­dre d’asperg­er les résis­tants de gaz don­né par notre sous Directeur Ramazan Emek­li comme d’autres policiers autour de moi l’ont égale­ment entendu.”

Le Sous Directeur Ramazan Emek­li avait alors à son tour caté­gorique­ment nié l’ac­cu­sa­tion du polici­er Fatih, en déclarant : “Nous ne pou­vons don­ner aucun ordre, c’est le respon­s­able des équipes spé­ciales qui le fait. Je n’ai aucune idée sur les raisons pour lesquelles des gaz lacry­mogènes ont été util­isées sur le peu­ple.” Il avait par la suite affir­mé : “Après avoir regardé les vidéos de l’in­ter­ven­tion dans les médias, je ne vois aucune rai­son pour que la police puisse utilis­er des gaz.” 

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Aujour­d’hui, le 10 juin 2015, 2 ans après l’événe­ment, le ver­dict est tombé.

Ironique, cette déci­sion donne le sourire :
Le polici­er Fatih Zen­gin a été con­damné à 20 mois de prison avec sursis.
Le Tri­bunal d’Is­tan­bul a égale­ment con­damné Fatih, à planter 600 arbres !

C’est une excel­lente nou­velle mais n’ou­blions pas que 5 jeunes per­son­nes on été tuées par la police, dans les mêmes cir­con­stances que Rémi à Sivens et leur meur­tri­ers ne sont pas con­damnés, ou jugés,  par­fois leur iden­tité n’a pas été révélée, les procé­dures judi­ci­aires sont volon­taire­ment traînées. Ce dossier est sans doute tombé dans les mains d’un Juge qui a du bon sens, le ver­dict reste donc excep­tion­nel et symbolique.

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