Je regarde les pho­tos de l’en­ter­re­ment des  32  33 vic­times de l’at­ten­tat de Suruç défil­er sur mon écran.

Les vis­ages douloureux des proches, des amis, des com­pagnons de lutte restés en vie “par hasard”, se mêlent sur les pages de réseaux soci­aux, avec les sourires radieux des jeunes morts sur les pho­tos d’avant.

Désor­mais, il y a un “avant” et un “après” Suruç.

Je lis.

Plus je lis plus la rage me gagne et devient féroce dans ma poitrine. Je lis vio­lence fana­tique, je lis vio­lence poli­cière, vio­lence de l’E­tat, obscu­ran­tisme, dic­tat, je lis leurs con­séquences, la douleur, la mis­ère, la mort.

Je lis les luttes.

Tout ce que je lis vient se loger dans mon ven­tre for­mant comme une boule de mer­cure. La tristesse laisse place à la colère.

Mon coeur est une grenade prête à explos­er. Il y a des nuits lour­des comme du plomb, et noires comme la chair car­bon­isée, où on oublie que le ciel peut être bleu.

Puis, on se fait un thé, on fume une cig­a­rette, on se prend la tête entre les deux mains, et on se dit, “demain”.… mais c’est déjà demain et étrange­ment, la colère peut puis­er dans des ressources insoupçonnées.

Je lis les témoignages de ceux et celles qui ont per­du leurs com­pagnons. Ils disent :

Il faut que tout se sache.
Notre déter­mi­na­tion est plus forte que jamais !

Ils racon­tent. Ils décrivent ce qu’ils ont vécu dans ces quelques min­utes comme un film au ralen­ti. Ils par­lent de la vio­lence qu’ils ont subie et ressen­tie dans leurs chairs, ils décrivent les raisons qui ont ouvert le chemin à cette vio­lence, ils expri­ment leur déter­mi­na­tion qui va gran­dis­sante. Ils se livrent sans tabou, sans mise en garde, sans pincettes, sans peur. Quelle que soit les moti­va­tions qui les ont amenés à Suruç, poli­tiques, idéal­istes, human­i­taires, ils sont tous guidés par la soif d’un autre monde. Leur vérité est nue, leurs paroles sincères.


Je ne vais  pas adoucir leurs mots, maquiller leur pho­tos, par je ne sais quelle pudeur qu’ils/elles se refusent à eux même.

Ils revi­en­nent de loin. Ils vien­nent de là :

 

Une maman kurde pleure

J’au­rais préféré que cette bombe explose, ici chez nous. Nous les kur­des, on est habitués. Mais ces enfants qui venaient de l’Ouest étaient nos invités. J’au­rais préféré qu’on meurt, nous. Que va-t-on dire à leur mère ? femme-kurde-pleure-pour-suruç


Eylem

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Eylem Onat

Nous atten­dions et la con­férence de presse allait com­mencer. On nous a appelés. Ezgi était près de moi. Et d’une façon com­plète­ment insen­sée on s’est ser­rées dans les bras. C’é­tait 5 min­utes avant la bombe.
Vous con­nais­sez la suite… 

aydan-ezgi-sanci-suruc Aydan Ezgi Şalcı


Ismail 

Je suis allé au Cen­tre cul­turel pour soutenir mes amis lors de la con­férence de presse. Je tenais un des côtés de la ban­de­role. La lec­ture de la déc­la­ra­tion était un peu longue et je souf­frais de la chaleur. J’ai passé le coin de la ban­de­role à une cama­rade qui était près de moi et je me suis éloigné [en fau­teuil roulant]. Quelques mètres plus tard j’ai enten­du l’explosion. Je ne savais plus quoi faire. J’étais resté en vie à quelques sec­on­des près, mais autour de moi il y avait des corps et des blessés. Avec l’explosion la chair de mes cama­rades s’é­tait répan­due sur moi.

Ismail Denum, au moment de l'explosion

Ismail Denum, au moment de l’explosion


Zeynep  

Nous étions presque le pre­mier groupe arrivé au Cen­tre Cul­turel Ama­ra à Suruç. En accé­dant au lieu, ni sur la route il n’y a eu aucun con­trôle de police. Plus tard nos cama­rades d’autres villes ont com­mencé égale­ment à arriv­er. Nous avons déje­uné, dan­sé et fait connaissance.

Zeynep Altınok pré­cise que quand elle était devant la porte du cen­tre avec ses nou­veaux amis, elle a aperçu une femme qui était assise toute seule. 

C’était impos­si­ble de rester seul à cet endroit. Il y avait 200, 250 per­son­nes à Ama­ra. Tout le monde se hâtait de faire con­nais­sance avec les autres. J’ai regardé le vis­age de cette per­son­ne, j’ai souri pour la saluer. Elle ne m’a pas répon­du. Mais je me suis ren­due compte qu’elle nous écoutait. Son sac était près d’elle. Ses cheveux étaient très noirs et longs jusqu’à la taille. Je me suis dit qu’elle était très masculine.*

Zeynep explique qu’après avoir dis­cuté avec les gens, elle est allée près du bassin et se trou­vait der­rière l’attroupement de con­férence de presse quand elle s’est assise sous un arbre. Peu de temps après la lec­ture du com­mu­niqué de presse, pen­dant que ses cama­rades scan­daient des slo­gans, elle s’est lev­ée pour rejoin­dre le groupe.

J’ai sen­ti que le feu effleu­rait mon vis­age. Puis je me suis trou­vée dans le bassin à 1,5 mètre der­rière moi. Je me sou­viens d’en sor­tir. Je sais qu’ensuite j’ai essayé de fuir à tra­vers les gril­lages mais nous étions dans un feu. Quand je suis sor­tie de l’eau j’étais cou­verte de sang. Des morceaux de chair étaient col­lées partout sur moi. J’ai demandé à un ami « Est-ce qu’il y a quelque chose sur mon vis­age ? ». Je n’ai pu croire que je n’avais rien au vis­age seule­ment plus tard quand je me suis regardée dans la glace. Je n’ai plus rien enten­du pen­dant un long moment. Il y avait des policiers en face de nous. Ils rigo­laient en nous regar­dant. Les habi­tants de Suruç voulaient trans­porter les blessés avec leur pro­pre voiture mais nous avons vu qu’ils [les policiers] ne les lais­saient pas faire.

Nous avions pris la route avec des objec­tifs human­i­taires. Je trou­ve insen­sé que ce qui s’est passé devi­enne sujet de l’actualité politique.

Notre but était d’apporter des jou­ets, des livres, et les con­sol­er un peu pen­dant les fêtes [Ramadan]. Nous ne sommes pas allés pour faire la guerre.

(*) Une thèse sur le fait que le kamikaze serait déguisée en femme a été avancée. Aucune déc­la­ra­tion à ce jour.


Loren Elva

Mil­i­tante LGBT, est hos­pi­tal­isée, souf­frant de brûlures et de sur­dité. Encore sous le choc de la vio­lence de l’explosion.

Nous allions à Kobanê refleurir les espoirs détru­its, con­stru­ire une bib­lio­thèque, un parc pour les enfants.

Mais elle a les idées claires et exprime sa colère et sa détermination :

Je ne suis pas bien, je ne serai pas bien, ne soyez pas bien !

Ces paroles qui appel­lent les gens à la prise de con­science et à réa­gir, sont devenus spon­tané­ment des hastags : #iyideğil­im#iyi­ol­may­acagım#iyi­ol­mayin  


Merve

twitt-surucLa nuit est tombée sur Suruç. Ils ont tué les gens avec lesquels on a chan­té dans le bus. Ils ont tué les gens avec lesquels on a dan­sé. Les gens avec lesquels on a papoté, les con­frères que nous étions sur­pris de voir là bas, il les ont tués. Il ont tué les gens avec lesquels on a pris le petit déj à Ama­ra, rigolé, mangé une pastèque. Ils ont tué les gens avec lesquels on a dis­cuté théorie, poli­tique. Les gens qui avaient des idéolo­gies dif­férentes mais qui étaient réu­nis par la réal­ité de la Révo­lu­tion, ils les ont tués.Nous étions tous des gens bien. Nous allions réalis­er un rêve. Nous avions 3 sacs rem­plis de jou­ets pour les enfants, vous me com­prenez ?Nous avons marché atten­tive­ment pour ne pas marcher sur les cadavres de nos cama­rades, vous me com­prenez ?J’ai com­pris pourquoi les “agit”  (chants fune­bres) kur­des sont si tristes, vous me com­prenez ?C’est un soir dif­fi­cile pour ceux qui sont restés en vie par hasard. Juste une ques­tion alors, c’est mieux de mourir, ou vivre ?

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Çeren

Elle pub­lie un mes­sage sur facebook.

Çeren Ç.

Çeren Ç.

Ne m’ap­pelez pas, ne me deman­dez pas. L’odeur de la mort sur moi, la chair de mes cama­rades sur mon corps, le bruit d’ex­plo­sion de bombes dans mon cerveau. Comme dis­ait Elva, “Je ne suis pas bien, je ne serai pas bien, ne soyez pas bien”

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Dr. Ayten Inan

Ayten

Elle est médecin. Témoin de l’attentat, elle a été une des pre­mieres inter­venantes pour les blessés.

Ils étaient venus pour la paix. Ils étaient tous des jeunes per­son­nes bril­lantes. Il y’a eu une explo­sion mais je n’ai pas com­pris ce qu’il s’est passé. Je n’entendais plus. J’étais tombée par terre. Quand j’ai repris mes esprits, j’ai regardé les enfants près de moi. Ils étaient comme des pio­ns d’échecs ren­ver­sés. Tout le groupe était dans le jardin pour la déc­la­ra­tion de presse. Nous étions env­i­ron 300 per­son­nes. Ils étaient venus des qua­tre coins de Turquie. Ils étaient par terre. Ils étaient devenus noirs, comme du charbon.


Çağla 

Cette émou­vante image mon­trant Gökçe Çetin et Çağla Sev­en est dev­enue un sym­bole du Mas­sacre de Suruç. A terre mais tou­jours main dans la main, amies pour toujours.

Gökçe est morte. Çağla est sauvée de justesse.

La jeune médecin, hos­pi­tal­isée dans un état grave,  avait de mul­ti­ples blessures et frac­tures. Arrivée aux urgences, elle a repris con­science et elle a diag­nos­tiqué elle même l’hé­mor­ragie interne dont elle souf­frait. Plus de 50 billes ont été retirés de son ven­tre, de ses bras et jambes. Dr. Çağla est une de nom­breux médecins qui ont soigné les blessés pen­dant la Résis­tance Gezi en 2013.

La chroniqueuse Hande Arpat lui écrit une let­tre sur Ilerihaber.

Nous avons tis­sé ensem­ble, depuis longtemps, une lutte col­lec­tive : avec entête­ment nous avons pris place au front, du côté de la vie. Têtes hautes, nous nous sommes com­bat­tus con­tre les crieurs de guerre et le mal organ­isé. Nous avons demandé des comptes pour de mil­liers de per­son­nes chas­sées de leur mai­son, pour des peu­ples mas­sacrés sans mer­ci et nous con­tin­uerons à le faire. Vous n’étiez pas un cible de petit enver­gure de ce mau­dit atten­tat. Bien que j’ai sou­vent du mal à croire à cette réal­ité, je respire sur la même planète avec lui, ce mal a voulu explos­er toute cette lutte menée ensem­ble depuis des années.
(…) Sache que tu n’é­tais pas seule, tu ne seras jamais seule.


Burcu

Elle pub­lie les pho­tos de ses amies sur son Facebook :

Demain, nous allons envoy­er vers l’é­ter­nité nos chéries toutes belles. Elles res­teront à jamais à cet âge et seront la par­tie la plus joyeuse, la plus énergique, créa­tive et souri­antes de nos coeurs. Leurs rêves, leurs rires; leurs émo­tions, leurs luttes, leurs frères et soeurs et famille de nos soeurs nous sont con­fiés . Polen, Bus­ra, Ezgi, Ece, vous êtes tou­jours avec nous, nous sommes avec vous. 

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Sinem

Sinem s’en est sor­tie avec des blessures, hos­pi­tal­isée et soignée. Mais elle a per­du sa mère Fer­dane et son frère Nar­tan. Mar­di 21 juil­let à l’en­ter­re­ment,  elle por­tait le cer­cueil de sa maman, debout et tête haute.


 La maman de Polen

Polen Ünlü et Hat­ice Ezgi Saadet étaient dans la même classe à l’U­ni­ver­sité. Amies très proches, elles avaient ven­du des objets qu’elles avaient con­fec­tion­nés et acheté des jou­ets, cahiers et crayons pour apporter aux enfants de Kobanê. Leur famille ont décidé donc de les enter­rer côte à côte. La maman de Polen a pris la parole pen­dant la cérémonie :

Les amis de Polen, venez, on tous se ser­rer dans les bras. Vous portez tous le par­fum de Polen aujourd’hui.

Polen, tu as voulu que je sois debout. Regarde je suis là. Per­son­ne ne pleur­era. Soyez debout. Ma fille est une mar­tyre, tout le monde l’accueille avec des applaud­isse­ments. Peu importe ce qu’on peut dire, je suis tou­jours der­rière mon enfant. Tous les jeunes qui vien­nent [ici] sont ma Polen. Elle, elle par­tie sur le chemin qu’elle avait choisi. Son rire était libre, elle était libre. Ces jeunes sont tous des pier­res précieuses.

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Jan Schmidt-Whitley

Jour­nal­iste-pho­tographe, au retour de Suruç à Istan­bul pub­lie sur son compte Facebook 

Jan-Schmidt-Whitley-110x110Bon­jour à tous, tout d’abord je voulais ras­sur­er tout ceux qui se sont inquiétés pour moi. Je vais bien, je suis à Istan­bul où j’ai été hos­pi­tal­isé suite à l’at­ten­tat dont ont été vic­times les mil­i­tants et sym­pa­thisants du SGDF. Mes pen­sées vont en pre­mier aux proches des 32 morts et des blessés. Je venais de com­mencer un reportage avec eux, nous devions pass­er la semaine à Kobane où ils avaient prévu de recon­stru­ire un hôpi­tal et un parc. Tous ces jeunes étaient si plein d’enthou­si­asme et de joie de vivre. La veille encore nous fai­sions la queue pour notre douche et nous nous bat­tions pour récupér­er une prise ou un coussin dans cet apparte­ment de Diyarbakir où nous avions passé la nuit. Je suis étranger, je suis jour­nal­iste et j’ai une assur­ance, j’ai eu la chance de recevoir des soins excep­tion­nels à Istan­bul mais je ne peux m’empêcher de penser à l’hôpi­tal de Urfa, sous-équipé où un grand nom­bre de blessés on été envoyés. La poli­tique de Erdo­gan vis à vis de Daesh risque de faire som­br­er le pays dans une spi­rale de vio­lence qu’on pen­sait révolue. Tout ça est telle­ment triste. Il sem­blerait que l’ar­mée turque soit en ce moment même en train de pilon­ner les bases de l’EI en Syrie. Je vais m’ac­corder quelques jours de repos. Jamais je n’ou­blierai les mar­tyrs de Suruç.



Kedistan salue les trois anarchistes qui participaient à l’initiative…

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Med Ali Barutçu, Alper Sapan et Evrim Deniz Erol

Alper

Du haut de ses 20 ans, il disait :

Jusqu’au­jour­d’hui, je n’ai pu avoir de la haine qu’une fois ; pour une saloperie de chat qui s’ap­pel­lait Bin­naz, il mangeait mes pigeons.

Il pub­li­ait l’an­née dernière, sur un site d’Ob­jecteurs de Conscience :

Bon­jour, Je suis Alper Sapan. Je suis un anar­chiste de 19 ans. Je suis con­tre l’in­jus­tice, l’ex­ploita­tion et la tyran­nie de l’E­tat. Je refuse que les être humains se tuent entre eux, la vio­lence et l’E­tat. Je refuse le ser­vice mil­i­taire, en écoutant ma con­science pour la lib­erté, un monde sans fron­tières, sans nations, pour lequel nul ne sera sol­dat, ne tuera et ne mour­ra. Avant que le mil­i­tarisme nous tue, tuons le militarisme.


Evrim

Evrim était sur tous les fronts, dans toutes les luttes : fémin­isme, minorités, lgbt, animaux…

Quelques uns de ses partages :

 


Med Ali

Ezilenlerin Sosyalist Partisi (ESP) sosyal medya hesabi uzerinden, Sanliurfa'nin Suruc ilcesine yasanan patlamada hayatini kaybedenlerin fotograflarini paylasti. medali barutcu

Il était étu­di­ant à l’U­ni­ver­sité de Mar­mara, Sci­ences Poli­tiques et Rela­tions Inter­na­tionales. Le jour se son enter­re­ment à Muş, un de ses amis pub­lie la poème de Arkadaş Zekai Özger sur son Face­book. Voici la fin :

(…)
je sais ce qui advien­dra demain
le print­emps sera là
l’herbe repoussera
même la mort bourgeonnera
.
je trou­verai une montagne
la regarderai longuement
à l’om­bre d’un pin
qui livre ses fragrances
.
quand j’en­trap­ercevrai une goutte de soleil
je te souri­rai demain
sur ta couche d’herbe
un arbris­seau sur­gi­ra demain


Comme dit le poète si joli­ment, les 32 jeunes de Suruç, arriveront bien à Kobanê, demain… portés par le vert des arbres.

Ils rêvaient de créer une forêt à Kobanê, une future forêt a vu le jour à leur mémoire. Dans ce jardin de lib­erté, 250 arbres ont été plan­tés par les habi­tants de Kobanê, les com­bat­tants,  les mem­bres da La SGDF (Fédéra­tion des asso­ci­a­tions jeuness­es social­istes) et l’U­nion de Jeunesse Démoc­ra­tique de Rojava. 

Cette dernière image sera pour panser nos blessures, pour redé­cou­vrir que le ciel est bleu. 

Comme ils auraient voulu, ressourçons nous de nos colères pour con­tin­uer.

suruc-arbres-orman-kobane.

Naz Oke pour Kedistan
Illus­tra­tion : “Angry eyes” de Ben­ry via Deviantart


 

*Ajout du 14 août 2015 :
Un autre sourire, celui de Mert Cömert a dis­paru aujourd’hui. Mert, grave­ment blessé, était hos­pi­tal­isé depuis 20 juil­let. Il n’a pas pu être sauvé. Je change donc le nom­bre annon­cé en début de l’ar­ti­cle à sa mémoire…

 

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Naz Oke
REDACTION | Journaliste 
Chat de gout­tière sans fron­tières. Jour­nal­isme à l’U­ni­ver­sité de Mar­mara. Archi­tec­ture à l’U­ni­ver­sité de Mimar Sinan, Istanbul.