Un attentat suicide
Aujourd’hui, dimanche 2 août, Un attentat suicide contre les locaux d’une gendarmerie turque près de Doğubeyazıt a fait 2 morts et 24 blessés.
L’attentat est attribué au PKK et c’est une première de ce genre depuis que la trêve mise en place avec l’Etat turc est rompue , l’armée turque bombardant les positions kurdes en Syrie.
Les raids font aussi des victimes civiles
Les sources gouvernementales déclarent qu’au moins 260 combattants kurdes ont été tués et 400 blessés lors des raids de l’armée turque. Quant aux sources kurdes, elles annoncent 10 combattants et 7 civils (certaines sources comptent 8, incluant le bébé d’une victime enceinte) tous morts à Zergelê.
En effet, le village de Zergelê dans les montagnes de Qandil, a vécu il y a 2 jours un vrai drame. Lors des attaques de l’armée turque 7 civils ont été tués et on compte une quinzaine de blessés.
Le Ministère des Affaires étrangères turc exprime donc sa “tristesse” dans un communiqué, tout en précisant que les attaques sont organisés avec un maximum de “soin”, effectuées “avec des techniques de “haut standards”. Pour le Ministère, “les rapports de renseignements en temps réel” sur lequel l’armée se base pour organiser les raids,disent que le village de Zergelê n’était pas un simple village mais un camp du PKK, où se trouvaient des haut responsables kurdes et mais aucun civil. Le communiqué ne manque pas d’ajouter toutefois, qu’il est bien connu que “les organisations terroristes ont l’habitude d’utiliser les civils comme bouclier humain”.
Par ailleurs, le leader du gouvernement régional irakien kurde, Masoud Barzani, a demandé au PKK de partir de cette région, afin de protéger les civils : « Si les rebelles n’étaient pas ici, le gouvernement turc ne bombarderait pas notre région, aussi ils doivent quitter le Kurdistan pour éviter de nouvelles pertes civiles ».
Il ne faut surtout pas vexer le gouvernement turc n’est-ce pas ? Et surtout la “coalition” qui désormais le soutient.
Le Premier Ministre d’Irak, Haïder Al-Abadi a également fait une déclaration :
« Le PKK se trouve dans les frontières de Turquie. Nous n’acceptons pas les attaques qui ciblent nos terres. »
« Nous ne bâtissons pas notre politique avec la Turquie, ni d’ailleurs avec un autre pays, sur l’hostilité. La Turquie doit régler ses problèmes chez elle. Nous ne souhaitons pas des problèmes de sécurité pour elle, et elle doit avoir la même sensibilité envers nous. Aujourd’hui la Turquie cible les terres irakiennes. »
« Les attaques survenues contre les forces de sécurités turques ont été faites en Turquie, si le moindre tir à l’ arme lourde était fait chez nous, je ne ferais pas ce commentaire. »
Après le choc de Zergelê, il y a eu une journée de répit, depuis les raids continuent.
Ce n’est pas les femmes qui doivent se taire, mais les armes !
Le 1er août, les femmes se sont réunies pour un sit-in dans 14 villes, pour dire d’une voix unanime :
« Ce n’est pas les femmes qui doivent se taire, mais les armes !». Le mot d’ordre faisait allusion aux propos sexistes de Bülent Arinç, le vice-Premier Ministre, adressés à une députée qui lui coupait la parole « Madame, tais toi, en tant que femme tais toi ! ».
Militantes, élues, membres d’organisations de société civile, ou citoyennes lambda, les manifestantes ont fait du bruit, sifflets, casseroles, applaudissements…
Les pancartes exposaient des slogans comme «Roboski… Reyhanlı… Suruç… Nous insistons pour la paix. », « Les bombes explosent nos vies ». Les portes paroles ont souligné que les femmes sont déjà obligées de se battre pour leur liberté, l’égalité, leurs droits, leur dignité, “en plus la guerre veut dire immigration, elle veut dire misère, elle veut dire viol et mort”.
Les mères, remparts en chair contre la guerre
« Barış Anneleri », les mamans de paix, ont fait aussi fait une déclaration :
« Le résultat des élections est le vrai motif de la guerre. Il n’est pas possible de le nier. Le pays est entrainé vers une guerre civile, par le souhait et les peurs du celui du Palais [Erdogan] »
« Le gouvernement et le MHP [parti ultra nationaliste] qui veulent retourner à la période des années 90, ne doivent pas oublier que beaucoup de mères ont pleuré à cette époque. Celles et ceux qui ont vécu cette période connaissent très bien, les politiques d’oppression, de cruautés, et les massacres commis en utilisant des tactiques de guerre sale dirigées par l’Etat. Nous ne voulons plus que les mères pleurent. Ni les mères de guérillas, ni les mères des soldats… ».
« Nous appelons toutes les mères. Nous devons résister. Le Président de République sacrifie les kurdes et les turcs pour son palais et son pouvoir. Nous devons aller dans la rue, appeler à la paix. Mères de policiers, soldats, guérillas, nous devons aller, si nécessaire, nous mettre comme bouclier, comme rempart, là où il faut. Nous, Barış Anneleri, nous irons. »
* « Barış Anneleri » est une initiative qui a été crée, en 1999, pendant la trêve, par les mères kurdes qui ont perdu leurs enfants en guerre. Toujours avec leur fichus blancs, ces femmes et leurs luttes sont devenues des icônes. Leur lutte et leur expérience est importante pour comprendre aujourd’hui la place des femmes dans la lutte kurde, car leur initiative est un ingrédiant important à la fois pour leur propre émancipation en tant que femme, et pour la transformation du mouvement kurde, en donnant des moyens pour repenser la guerre, la violence d’Etat, l’opinion publique nationaliste dominante, le patriarcat…
l’Assemblée Nationale rappelée à ses devoirs
Un groupe de personnalités intellectuels, scientifiques et politiques ont publié un appel intitulé « Ca suffit, ne faites plus pleurer les mères ». L’appel invite l’Assemblée Nationale turque, à se réunir afin de se réapproprier la paix et la démocratie, au lieu de faire des vacances…
Les signataires rappellent l’Assemblée National à ses devoirs en précisant : « Dans aucun pays démocratique les calculs d’avenir politiques d’une personne ou d’un gouvernement, ne peuvent être pris comme base pour entrer dans une guerre, ou en finir, pour commencer ou cesser la lutte armée avec une organisation quelconque. Car ces sujets sont des sujets “nationaux et vitaux” qui dépassent les individus, les partis, les calculs et attentes politiques, et qui concernent le peuple entier. »
Combattre Daesh les armes à la main est indispensable pour la protection et la survie des populations, soumises aux atrocités et à l’esclavage que l’on sait. Les combattants kurdes sont aux avant postes, et jusqu’ici la coalition le reconnaissait enfin, jusqu’au revirement de ces dernières semaines.
A l’inverse, un processus politique existait en Turquie, pour faire avancer pacifiquement la question kurde, et les armes s’étaient tues.
Maintenant que corruption et liens contre nature du régime Erdogan avec l’EI (pétrole illégal) sont mis à jour, et pourtant soudainement “ignorés” par la coalition, le gouvernement a décidé de provoquer cette “crise” pour une nouvelle fois “instrumentaliser” la question kurde, comme l’ont déjà maintes et maintes fois fait d’autres gouvernements, avec l’appui des ultra nationalistes.
La société civile turque n’est cependant plus celle des décennies passées, et la majorité des kurdes en Turquie ne veulent pas revenir en arrière, alors que quelques mesures des accords rompus avaient permis des avancées vers des formes d’ autonomie culturelle et une “mixité” plus grande dans les principales villes, allant jusqu’à se lier fortement aux vagues d’opposition à l’AKP, aux luttes des “minorités”, ces dernières années, jusqu’à l’émergence politique du HDP lors des dernières élections.
L’exigence de “paix civile” en Turquie est donc bien la réponse aujourd’hui qui s’impose, parce que portée par des secteurs de la société civile turque très différents, et une grande partie de la communauté kurde. Le gouvernement Erdogan le sait, et ne cessera pas ces agressions contre le PKK, au risque ultime de relancer une guerre ouverte interne, dont il espère sortir un pouvoir “renforcé”, avec le soutien tacite à l’international.
Voilà bien pourquoi ici en France, alors que le parti politique au pouvoir met un trait d’égalité dans un communiqué entre les représentants politiques kurdes et Daesh, et que le président réitère son soutien à Erdogan “contre le terrorisme”, il faut susciter, rejoindre, toutes les initiatives qui permettraient de dénoncer et d’alerter sur cette politique de guerre, qui au final, ne profitera qu’à Daesh et à la poursuite des petits trafics entre amis.