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Aujour­d’hui toute la Turquie se réveille sous le choc et en colère. Özge­can Aslan, une étu­di­ante de 20 ans, a pris un minibus pour ren­tr­er chez elle a Mersin, après les cours. Le con­duc­teur l’a vio­lée, appelé ses deux acolytes à l’aide.

La jeune fille a été poignardée, ses mains coupées avec sang froid, (afin d’éviter l’identification ADN, car elle les avait grif­fés en essayant de se défendre), puis son corps brûlé et jeté dans un lac. Les coupables ont été arrêtés, mais que va t‑il se pass­er ensuite ? Com­bi­en de femmes encore vic­times du sys­tème ultra patri­ar­cal défendu par l’AKP en Turquie ?

Il faut le rap­pel­er, en 7 ans de pou­voir, les fémini­cides ont aug­men­té de 1400%. Il est très dif­fi­cile de trou­ver des chiffres con­cer­nant les vio­lences à l’en­con­tre des femmes, cepen­dant on note que 80%  des vic­times pensent qu’elles ne peu­vent rien faire con­tre la vio­lence qu’elles subis­sent selon une étude de 1995 et 58 % des femmes ne sont pas seule­ment vic­times d’a­gres­sion des maris, fiancés, copains, frères mais aus­si des mem­bres de familles de leur com­pagnon, notam­ment de mem­bres féminins, selon une étude de 2002 de la Cham­bre des médecins d’Ankara.

Ces chiffres traduisent la “nor­mal­ité” de ces vio­lences dans l’e­sprit des femmes et de leur entourage, et cette nor­mal­ité est entretenue par le pou­voir en place. On notera les déc­la­ra­tions du prési­dent Erdoğan, qui affir­ment que les femmes “ne peu­vent naturelle­ment pas être l’é­gal de l’homme” et que “l’is­lam a défi­ni une place pour les femmes : la mater­nité”.

Le prési­dent, qui fut pre­mier min­istre de 2003 à août 2014, a déjà fait plusieurs déc­la­ra­tions, jugées provo­ca­tri­ces par les fémin­istes (et à rai­son) En 2012, il avait vio­lem­ment pris posi­tion con­tre l’a­vorte­ment, le com­para­nt à “un meurtre”. Il avait aus­si demandé aux femmes de faire trois enfants, afin de relancer la natal­ité turque.

Dans ce cadre, il est donc dif­fi­cile de défendre les femmes face à tant d’ob­scu­ran­tisme, et face à des dirigeants qui encour­a­gent la société à rester dans un mod­èle patri­ar­cal qui blâme les vic­times. On peut citer les déc­la­ra­tions du vice pre­mier min­istre dis­ant qu’ “une femme doit con­serv­er une droi­ture morale et ne pas rire fort en pub­lic” et “L’homme doit être moral, la femme aus­si, elle doit savoir ce qui est décent et ce qui ne l’est pas”. Mal­heureuse­ment, cette prise de posi­tion n’a comme con­séquences que de blâmer les vic­times, et de con­sid­ér­er les femmes comme des objets sus­ci­tant à tort le désir de l’homme, et non comme des humains à part entière. Les femmes sont à leur yeux des objets qu’on peut expos­er ou cacher à sa convenance.

Rien qu’en octo­bre 2014, selon une enquête menée par l’a­gence de presse Bianet, des hommes ont tué 28 femmes et ado­les­centes dans 16 provinces de la Turquie. (cela fait env­i­ron une femme par jour, NDLR) 21% des femmes ont été tuées pour cause de divorce. Sur l’an­née 2014, la même enquête recense 325 femmes tuées, 88 femmes vio­lées, 499 femmes battues et 75 femmes vic­times de har­cèle­ment sexuel.

Nous lut­terons de temps qu’il le fau­dra, afin que la femme soit con­sid­érée et que les vio­lences sex­istes cessent.

Une man­i­fes­ta­tion est organ­isée ce soir à Kadıköy à 16h par le col­lec­tif fémin­iste d’Is­tan­bul.

Après l’en­ter­re­ment d’Özge­can les protes­ta­tions continuent…


Ajout du 29 sep­tem­bre 2017

La Cour de cas­sa­tion avait annulé la peine de 24 ans de prison de Fatih Gökçe, l’as­sas­sin de Özge­can, sous pré­texte de “manque de preuves”. Le 29 sep­tem­bre le Tri­bunal a con­damné l’as­sas­sin, a une peine de 22 ans et 6 mois de prison.


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Naz Oke
REDACTION | Journaliste 
Chat de gout­tière sans fron­tières. Jour­nal­isme à l’U­ni­ver­sité de Mar­mara. Archi­tec­ture à l’U­ni­ver­sité de Mimar Sinan, Istanbul.