Plus que quelques brèves en vrac… Et une courte conclusion qui prolonge tous les articles précédents.
La Grande Marche pour la Paix
ANKARA
La Grande Marche pour la Paix du 26 juillet, organisée par Barış Bloku (Block Paix) chargée par la police.
(Photos de Recep Yılmaz) 
ISTANBUL
Malgré l’interdiction de la Préfecture d’Istanbul, de milliers de manifestants se sont réunis à Aksaray. Sans incident.
Gazi, quartier d’Istanbul sous blocus policière
Dans le quartier Gazi, habité majoritairement par des alévis, la police empêche les funérailles de Günay Özarslan, tuée par la police à son domicile à Bağcılar (Istanbul) pendant l’opération de grande envergure de la police vendredi 24 juillet. Selon sa famille, les policiers sont entrés dans la maison et ont tiré aussitôt sur la jeune femme, membre de DHKP‑C, (Parti-Front révolutionnaire de libération du peuple) ce qui est perçu comme une “exécution”. Les funérailles de Günay, n’ont pas pu être faites car depuis l’arrivée du corps du défunte, le quartier Gazi est depuis hier, théâtre d’ affrontements, et gardé sous blocus policier.Même les ambulances ne peuvent y accéder pour soigner les blessés.
En effet le “Cemevi” (lieu de culte des Alévis) où se trouve le corps de Günay est sous les gaz.
Alevilerin İbadethanesi Özel Harekat polisleri tarafından silahlar ile basıldı.Gazi Mahallesi Cemevi yoğun gaz altnda pic.twitter.com/WhJsbloJzI
— Baran Tunçel (@BaranTuncel) 26 Juillet 2015
Ajout 20h30 :
Un policier a été tué lors des intervention dans le quartier Gazi : Un groupe de manifestants armés, réfugiés dans un immeuble a tiré sur la police qui voulait les arrêter. Le policier blessé a été transporté dans un état grave et est décédé à l’hôpital. Les auteurs ne sont pas encore identifiés.
Un village de Suruç, bombardé par erreur
Selon les sources locales 2 bombes ont fait des dégâts dans le village Yumurtalık, commune de Suruç. Les projectiles ont détruit une étable dans le village, et un pont sur la frontière de Kobanê. Les explosions n’ont pas fait de blessés mais les habitants de Yumurtalık et des villages avoisinants ont ressenti fortement les secousses. Une panne d’électricité générale sur toute la ville de Suruç a suivi les explosions.
Les combattants de Daesh n’ayant pas d’armes de cette envergure, les bombes seraient envoyées “par erreur” par des avions qui survolent la région.
Le Préfet de Suruç a confirmé les explosions à Yumurtalık.

Depuis l’attentat suicide de Suruç encore moins de liberté de la presse
le 20 juillet, après l’attentat de Suruç, l’Etat turc a expressément mis une censure sur le sujet, interdisant toutes publications d’images et de vidéos, et demandé de retirer les visuels existants. Les sources qui ont publié ces derniers ont été fermées aux IP turcs.
Bülent Arınç, porte parole du gouvernement, affirmait le 24 juillet, dans une émission en direct sur la chaine HaberTürk, ciblant les quotidiens Evrensel et Özgür Gündem : « Ce sont des machines à crimes, ils flattent une organisation terroriste… »Le lendemain une censure a été mise par la Direction des Communication sur les sites de ANF, DIHA, ANHA, agences d’information pro-kurdes, les journaux Özgür Gündem, Yüksekova Haber, Sendika.org, ROjNews, et BasNews. Les sites sont fermés aux connexions depuis des IP turcs. ANF a également reçu une cyber attaque.
Le Twitter a été également censuré, fermé, puis réouvert, plus d’une fois.
Rappelons qu’en mars dernier, le Parlement turc a voté une disposition qui autorise le gouvernement à bloquer un site internet sans décision de justice, une mesure pourtant censurée quelques mois plus tôt par la Cour constitutionnelle au nom de la protection des libertés. Plusieurs journalistes ont été molestés en faisant leur travail. Un exemple parmi d’autres : Un policier a fait tomber par un croche pied, Tamer Arda Erşin, journaliste d’Evrensel, qui relayait la Grande Marche pour la Paix à Ankara le 25 juillet. ensuite le policier a marché sur le journaliste…
La police attaquée
On compte depuis quelques jours plusieurs attaques usant des cocktails molotov ou armes, visant la police, dans différentes villes, faisant des morts et des blessés ou de simple dégâts matériels.
Un exemple parmi d’autres date du 25 juillet : Dans le quartier Okmeydani à Istanbul, deux personnes ont tiré sur une équipe de police. 3 policiers et un passant ont été blessés. L’attaque a été revendiquée par DHKP‑C (déclaration via leurs comptes sur les réseaux sociaux).
Cizre, intervention de la police aux manifestations : 1 mort
A Cizre, commune de Şırnak, la police ouvre le feu et tire au hasard sur la population lors de la manifestation contre les opérations policières et les frappes aériennes de TSK sur Kandil. Abdullah Özdal (21), un jeune homme assis sur son balcon, est gravement blessé par une balle, à la poitrine. Pendant que les affrontements continuaient dans certains quartiers, et que les tirs s’entendaient, les habitants ont commencé à se rassembler devant l’hôpital et ont été dispersés . L’hôpital a ensuite été encerclé par des blindés. Le jeune homme est décédé à l’hôpital.
Opération policière au syndicat Eğitim-Sen
Une opération policière a ciblé les logements d’hôtes d’Eğitim-Sen (Syndicat enseignant) à Ankara. Cette opération a été qualifiée par les syndicalistes d’« illégale » car en effet la police d’Ankara ne possédait aucun document valable justifiant une quelconque ordre officiel. Le seul document que la police a pu fournir était la demande d’opération qui avait été envoyé au procureur, avec un texte manuscrit et des signatures apposées prétendument du bureau du procureur.
La police ayant commencé à fouiller le bâtiment, les membres et responsables de KESK (Fédération des syndicat des fonctionnaires d’Etat) et d’autres syndicats affiliés au KESK sont arrivées pour soutenir leurs camarades. Mais la police a empêché l’accès au site.
Le syndicat logeait dans cette structure, les blessés arrivés de Kobanê pendant leur durée de soin. Ils ont été mis en garde à vue.
Ce ne sont que des brefs exemples pour donner une idée du climat qui règne actuellement en Turquie.
Trois observations :
> Les murmures de l’AKP repris par Devlet Bahçeli, Président du MHP (parti ultra nationaliste) :
« Il faut dissoudre le HDP !»
> Le cessez-le feu du PKK est plus que compromis.
> Kılıçdaroğlu, le Président du CHP (Parti républicain du peuple), soc-dem républicain, se déclare prêt à faire une coalition avec l’AKP :
« Nous connaissons la lourde facture qui attend un gouvernement de coalition, mais pour l’avenir du pays nous mettons notre mais sous ce rocher. »
Les hostilités ont été ouvertes par l’AKP, avec le soutien à peine voilé des branches nationalistes, et le silence coupable du CHP (social démocrate républicain). Créer un climat de pré guerre civile dans le pays, tout en bénéficiant d’un soutien international pour une intervention “à tiroirs” aux frontières syriennes, voilà la seule raison de ces tensions intolérables, sur fond de déni des libertés publiques, d’application des récentes lois plus répressives encore.
Le risque est quand même que cette pré campagne électorale ne débouche sur un chaos politique et de nombreuses victimes une fois de plus.
Les 32 de Suruç apportaient la paix. L’Etat turc y répond par la violation des droits humains, la violence et la mort.
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